Dépitée, dégoutée, je ne manifesterai plus jamais !

Comme je l’avais annoncé la semaine dernière, samedi avait lieu la marche pour la justice climatique et sociale. Le premier événement depuis la rentrée après les catastrophes écologiques qui ont marqué cet été 2019. Un événement d’autant plus important que se tient actuellement le sommet de l’ONU sur le climat à New York.

Alors voilà, vous avez certainement lu/vu ce qu’il s’est passé lors de la marche à Paris, mais j’avais besoin de raconter ce que nous avons vu et vécu ce jour là.

Nous somme samedi et mes filles (9 et 19 ans) finalisent les pancartes réalisées pour la marche. Nous partons en retard ce qui sera déterminant pour la suite.

Dans le train, un vieux monsieur s’assoit à côté de nous. Il félicite la petite pour ses affiches et son engagement et nous confie qu’il va également manifester contre la réforme des retraites.

En arrivant à la gare du Nord, nous prenons le rer B dans l’idée de rejoindre le départ du cortège devant le jardin du Luxembourg. Il est déjà 14h, mais nous savons que les marches ne démarrent jamais vraiment à l’heure prévue.

Seulement voilà, nous nous apercevons que la station Luxembourg n’est pas desservie. Pratique… Nous descendons donc à Chatelet pour récupérer la ligne 4 et nous descendons à Raspail dans l’idée de rattraper le cortège à Port Royal.

Nous remontons la rue jusqu’à Port Royal. En haut de la rue, une armée de CRS barre la route, mais nous laissent cependant accéder à la place.

Ma cadette s’en inquiète un peu. Il faut dire que leur attirail est assez impressionnant. Je lui explique alors naïvement qu’ils sont là pour assurer la sécurité des manifestants.

Arrivées sur la place, nous apercevons la tête du cortège à l’entrée de la place. Mais quelque chose ne tourne pas rond. Le cortège est étonnement silencieux. Pas de musique, pas de chants ni de slogans scandés par les manifestants. Nous distinguons alors une autre ligne de CRS qui leur barre la route.

Je retiens les filles et nous observons de loin les événements au milieu d’autres personnes ayant eu la même idée que nous.

Nous entendons plusieurs détonations que nous prenons pour des tirs de flashball. Un nuage blanc (que nous imaginons être du gaz lacrymogène) enveloppe la tête du cortège.

Une heure s’écoule. Une heure pendant laquelle le cortège n’a pas avancé d’un pas. Une heure pendant laquelle, à un moment, nous voyons de la fumée noire s’élever dans le ciel ( nous apprendrons plus tard que des black blocs ont brûlé un deux roues). Elle semble venir de la rue adjacente à celle où se trouve le cortège.

Pendant ce temps, je tente de grapiller des informations sur Twitter. J’apprends seulement que Greenpeace a appelé les manifestants à quitter la marche pour des raisons de sécurité.

Puis, quelques personnes arrivent vers nous par le trottoir. Parmi elles, deux femmes d’une soixantaine d’années, l’air bouleversé. J’engage la conversation et elles me révèlent que des black blocs ont infiltré la marche, ont pris la tête du cortège et que les CRS ont riposté en lâchant des gaz lacrymogènes sur les manifestants. Elles racontent également qu’il leur a été impossible de quitter le cortège car les CRS encerclait les manifestants de tous côtés. Elles me confie s’être fondues avec un petit groupe de passants pour parvenir à passer le barrage policier. Ellles sont choquées et en colère et quittent rapidement les lieux.

Ma cadette est déçue. Elle est venue marcher pour le climat et ne comprend pas pourquoi la police bloque le cortège.

Nous attendons encore un peu. D’autres personnes parviennent à s’échapper et quittent les lieux. Puis, brusquement, les CRS fond demi-tour et quittent les lieux à leur tour. Nous osons alors approcher le cortège, ou du moins, ce qu’il en reste.

Les musiciens se sont remis à jouer sur le bord de la route et nous nous agroupons autour d’eux. Quelqu’un lance « C’est une marche, il faut avancer ! » Puis « Avancez ! On vous suit ! « . Mais les musiciens n’ont pas l’air chaud. Je commence à scander « A Bercy ! A Bercy ! » que les gens reprennent (j’étais plutôt fière de moi sur ce coup là ^^). Les musiciens s’avancent alors sur la rue et prennent la tête du cortège.

Il est environ 15H30. La marche reprend (commence, pour nous). Je suis tout d’abord soulagée de voir qu’elle n’est finalement pas avortée comme je l’ai cru en arrivant.

Mais rapidement, en observant les gens autour de moi, je m’aperçois que l’ambiance n’est pas aussi joyeuse et festive que les autres fois. Quelque chose s’est brisé. L’espoir peut-être ?

Lorsque nous arrivons à place d’Italie, je m’aperçois que nous sommes un peu dispersés. Il n’y a pas l’effet de masse habituel. Je me dis que nous sommes bien moins nombreux qu’en décembre et en mars. Je remarque également de nombreux gilets jaunes et plusieurs personnes portant un foulard noir qui avancent rapidement. Les fameux black blocs…. Ma cadette en regardent passer un couple avec un air inquiet. Le gars lui répond « T’inquiète pas ma belle, on n’est pas des terroristes. On fait ça pour toi ! »

Dernière ligne droite, nous approchons de Bercy. La plupart des manifestants emprunte la passerelle Simone. Mais on nous indique que c’est le pont Tolbiac qui figure sur l’itinéraire. C’est donc complètement dispersés que nous arrivons dans le parc de Bercy. Nous sommes déçues de ne pas y être accueillies par les organisateurs comme c’est le cas habituellement. Pas de discours, pas de festivités. Nous ne les voyons pas. (Nous apprendrons plus tard que la plupart d’entre eux a du faire marche arrière ).

Il est environ 18H. Les gens sont assis dans l’herbe, ils se reposent et se désaltèrent après cette longue marche au soleil. Nous les imitons et prenons un goûter (zéro déchet, of course ! )

D’en haut, nous observons les membres de ANV COP21 arrêtés sur le pont pour y suspendre des banderoles et faire un sitting.

Puis deux jeunes filles passent devant nous et nous recommandent de quitter le parc : les CRS ont à nouveau lancé des gaz lacrymogènes. Effectivement, nous pouvons apercevoir un nuage blanc au loin.

Nous nous précipitons alors dans la direction opposée et décidons de rentrer.

Sur le retour, des sentiments contradictoires se bousculent. Je suis contente que la marche se soit finalement poursuivie jusqu’au bout. Que nous ayons vaincu cette répression injustifiée. Je suis fière de mes filles et de leur détermination.

Mais je suis également dépitée par la tournure des événements. Cette marche a un gout amère. Je suis écœurée de ce gouvernement répressif qui n’hésite pas à lâcher des gaz lacrymogènes sur des familles, des personnes âgées, des citoyens lambda qui manifestent pacifiquement en toute légalité.

Je me dis également que nous avons finalement bien fait d’être en retard ou bien nous aurions pu nous aussi être victimes des gaz lacrymogènes. Je réalise alors amèrement qu’il n’est plus possible d’emmener mes enfants manifester pour le climat, pour leur avenir, alors qu’ils sont les premiers concernés. Mais j’ai bien failli les mettre en danger. Et le comble, c’est que le danger vient de ceux qui sont sensés assurer notre sécurité.

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